À l’époque, à Boucherville (comme à bien d’autres endroits), ce ne sont pas toutes les personnes décédées qui se retrouvaient six pieds sous terre au cimetière. Pour certains privilégiés, la crypte d’une église s’avérait la destination ultime de leurs restes après une vie notable.
Quelque 336 personnes sont inhumées dans la crypte de l’église Sainte-Famille. Parmi celles-ci : quatre des cinq seigneurs héréditaires de Boucherville et leurs familles, ainsi que des curés et divers paroissiens. La dernière inhumation remonte à 1954.
Et comment expliquer l’absence du cinquième seigneur héréditaire? Celui-ci était considéré anticlérical, chose disons plutôt exceptionnelle à l’époque et attribuable aux patriotes. Décédé en 1857, il fut enterré sur sa terre. En fait, six pieds sous sa terre.
Si vous associez surtout le mot « voûte » à une banque, vous allez sans doute être ébloui par ce que vous allez découvrir à l’église Sainte-Famille. Impressionnante réalisation architecturale inspirée du style Louis XVI, la voûte en berceau, qui se prolonge dans la nef, comporte notamment des arcs-doubleaux et des moulures dessinées en 1879. Le résultat évoque également des œuvres découvertes lors des fouilles à Pompéi.
Le tout est le fruit d’un travail remarquable de la part d’artistes de grand talent aux noms comme Bourgeau, Beaulieu et Berlinguet. D’ailleurs, si vous levez les yeux vers le plafond, vous apercevrez, à la croisée des transepts et au-dessus du chœur, de jolies têtes d’anges sculptées par ce dernier.
Leur beauté préservée durant toutes ces années impressionne, particulièrement en cette époque d’obsolescence programmée…
Dans un endroit empreint d’histoire et rempli de trésors patrimoniaux comme l’église Sainte-Famille, même la lumière peut puiser sa source dans les vestiges d’un lointain passé. Prenez la lampe du sanctuaire.
Située dans le chœur, elle fut façonnée en… 1790. Soit bien, bien des années avant qu’apparaissent les interrupteurs sur les murs. Similaire à celle de l’Hôtel-Dieu de Montréal, la lampe est faite d’argent massif. Orné d’une fraise et décoré de godrons (ornements) peu profonds, ce joyau porte le poinçon d’un grand artiste de l’époque, Michel Arnoldi.
Quand on dit qu’une visite de l’église vous éclairera sur la richesse de notre patrimoine religieux…
Question : dans une église, qu’est-ce qu’un buffet? Non, ce ne n’est pas la table avec les petits sandwiches pas de croûte qu’on sert au sous-sol après un baptême. Il s’agit plutôt de l’imposante structure dans laquelle sont placés les nombreux tuyaux de l’orgue.
Celui de l’église Sainte-Famille, datant de 1847, est l’un des plus anciens conservés au Québec. Bien entendu, l’orgue, lui, a dû être modernisé depuis. Datant de 1996 et fabriqué ici au Québec par Casavant, il conserve tout de même deux jeux (ensemble de tuyaux du même genre) de l’ancien instrument.
En tout, l’orgue actuel, qui pèse cinq tonnes, compte quelque 25 jeux totalisant près de 1 600 tuyaux. Disons qu’il n’y a aucun plan de le déménager pour le moment…
Le tabernacle est une composante essentielle du patrimoine religieux, et souvent un chef-d’œuvre qui traverse les siècles. L’église Sainte-Famille en compte deux : l’un dans l’autel du transept à droite, et l’autre à gauche. Chacun est également accompagné d’un tombeau.
Celui de droite est dédié à la célèbre Marguerite d’Youville, première sainte canadienne et, incidemment, arrière-petite-fille de Pierre Boucher, fondateur de Boucherville. Du côté gauche, le tombeau abrite le gisant de cire d’un soldat romain du 4e siècle, Saint Généreux.
Tous deux fabriqués en 1802, les tabernacles sont l’œuvre d’un grand artiste québécois du nom de Louis Quévillon.
De nos jours, il vous serait impossible de trouver un meuble aussi impressionnant que le tabernacle du maître-autel de l’église Sainte-Famille.
Considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de la sculpture ancienne au Québec, cette imposante pièce datant de 1745 en met plein les yeux : deux gradins, quatre statues d’évangélistes, reliques de quatre saints, six chandeliers, un baldaquin, une monstrance, des ornements, un crucifix… Et, en dessous, un tombeau, celui-là datant de 1801.
On peine à imaginer ce que leurs créateurs, des noms comme Bolvin et Quévillon, pourraient faire aujourd’hui!
L’église Sainte-Famille élève l’expression « faire des rénos » à un tout autre niveau. On ne parle pas simplement ici de repeindre la chambre ou refaire les armoires. Cet impressionnant lieu de culte a subi au fil des ans non pas une, mais trois restaurations majeures.
La première, en 1879 (soit 36 ans après sa reconstruction suite à un incendie – voir autre texte), a entre autres mené à la construction de l’actuel baptistère et aux magnifiques fresques peintes sur la voûte. Les superbes moulures bleues, vertes et dorées ont quant à elles fait leur apparition en 1969.
Puis, tout récemment, soit entre 2006 et 2016, une cure de rajeunissement a entre autres permis de redonner un lustre d’antan aux vitraux des fenêtres.
Si vous observez la façade de l’église Sainte-Famille en la parcourant du bas vers le haut, vous remarquerez sans doute une différence dans la couleur de la pierre. Il s’agit du souvenir permanent d’une catastrophe qui a marqué Boucherville.
Le 20 juin 1843, un énorme incendie a ravagé une grande partie de ce qui était à l’époque un village – emportant l’église sur son passage. Il n’en est resté que les murs et, grâce à l’intervention rapide du curé et des paroissiens, les autels, objets de culte et tableaux (mais malheureusement, pas l’orgue ni la chaire).
C’est à Louis-Thomas Berlinguet (voir texte sur le clocher de l’église) que fut confié le travail de réfection du bâtiment. D’où la façade en deux teintes, la partie du haut, jadis effondrée, ayant été ajoutée au mur d’origine. Comme quoi sauver un patrimoine religieux est une flamme qui ne s’éteint jamais…
On l’entend résonner sur les berges de Boucherville depuis près de 180 ans. 1844, pour être précis. On parle bien sûr du clocher de l’église Sainte-Famille (qui compte en tout cinq cloches), réalisé par l’artiste Louis-Thomas Berlinguet et composé de deux lanternons.
Ayant annoncé moult messes et événements depuis une époque où un stationnement consistait en un poteau pour attacher les chevaux, ce clocher a fait un bond dans la modernité en passant de la corde à tirer à un fonctionnement électrique en 1953. Des cloches qui n’ont pas besoin de bras? Ça sonne impensable, aurait sans doute dit Berlinguet…